Vers une lecture croisée entre cinéma et histoire de l'art
Faire corps à l’image impose un regard fétichiste du regardant sur le regardé. Cette vision voyeuriste du spectateur invite alors particulièrement à suggérer le désir par la représentation du corps. Ce corpus d’images trié de façon chronologique tenterait alors de comprendre à travers la figure de la prostitution dans quelle mesure l’univers du spectacle comme vecteur d'exhibition participerait à une mise en regard grotesque et critique de la représentation du corps.
FELLINI Federico, Roma, film de fiction, 120min, Italie, 1972
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Scènes dites "des mystères", peinture sur fresque, Villa des Mystères, IIe siècle AV-JC
BURGUNDY Anthony, Scène d'une maison des bains, enluminure, 44,2x33,4cm, Staatsbibliothek, 1470
DEGAS Edgar, La fête de la patronne ou La maison Tellier, épreuve monotype à l'encre noire rehaussée de pastel , 26,6x29,6cm, musée Picasso, 1878-1879
DIX Otto, Souvenirs de la galerie des glaces à Bruxelles, huile et glacis sur fonds d'argent sur toile, 124x80,4cm, Centre Pompidou, 1920
KIENHOLZ Edward, Roxys, installation, Los Angeles's Ferus Gallery, 1962
ATWOOD Jane Evelyn, série La Rue des Lombards, photographies argentiques, Paris, 1976-1977
- "Roma" de Federico Fellini nous présenterait les prostitués sous l’aspect critique de la monstruosité tel littéralement des bêtes menées à l’abattoir. C’est ici particulièrement l’usage plastique du décor à travers sa promiscuité et son aspect poisseux qui renforcerais à plus forte mesure une représentation fantasque de ces femmes. Ces dernières se veulent ainsi à la fois passives en étant en permanence en proie de l’homme de par les jeux de regards insistants ou les miroirs dévoilant leurs corps, et agressives en rappelant l’aspect tumultueux de leurs conditions de vie de par les mouvements violents de caméra, l'aspect délibérément provocateur tel un show exhibitionniste ou encore l'échelle des plans qui ne les met finalement que peu en valeur.
- La fresque d’une des "scène des mystères" décrirait alors de façon allégorique l’idée d’un rituel aphrodisiaque sous la forme du spectacle de danse. L’aspect plastique se démarque ici de par la décomposition du mouvement de la scène de façon presque cinématographique car il faut reconstituer la scène de par la lecture du mouvement. De gauche à droite: une jeune mariée découvre sous un voile un phallus, symbole de fertilité. Une femme aillée, gardienne moralisatrice, cache alors aux regards indiscrets la vue de cette scène. La jeune femme en larme cherche ainsi du réconfort. À ses côtés, des prêtresses participent à un rituel symbolisant métaphoriquement la grossesse de cette dernière.
- La scène d’une "maison des bains" nous exposerait un certain aspect du libertinage de la prostitution. Dans cette mesure comme le rappelle la séquence du film, c’est bien une complète indifférenciation de classes sociales et l'abondance de personnes qui caractérisent ce lieu de débauche. Il faut remarquer ici que c’est le spectacle de musique qui marque une frontière en amenant un couple à s’isoler à l’arrière plan.
- La maison close de "la fête à la patronne" marquerait ici la volonté de représenter plusieurs morphologies de corps, ainsi que différents statuts sociaux comme chez Fellini. L’usage plastique du dessin de par les formes suggérant des attributs sexuels dans l’espace transpercerait alors les limites de la réalité et symboliserait l'appartenance du lieu comme enjeu d'érotisme.
- "Le souvenir" de Otto Dix nous présenterait alors une représentation critique de la clientèle de la prostitution à travers la figure du soldat. Il faut aussi voir l'usage du miroir comme enjeu anatomique des corps. Il faut noter ces deux éléments également présents dans la séquence.
- "Roxys" affirmerait de par la reconstruction scénographique d’une maison close, l’idée d’une fragmentation du corps dans l'espace de par la mise en place de mannequins figés aux positions lascives.
- Les photographies de "La Rue des Lombards" rappelait finalement l’aspect social misérable de ces femmes cherchant à vendre leurs corps. Cette photographie concorderait alors particulièrement avec certains plans de la séquence de Fellini dans l'idée de masquer les ébats par le hors champ.
Thibault Deveyer

© Federico Fellini (1972)
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