Analyse filmique

Le décor comme enjeu de confrontation dans Yellow Sky de William Wellman

La Ville abandonnée, long métrage réalisé par William Wellman en 1948 est un western du cinéma classique hollywoodien. Mettant en scène la cavale de brigands ayant cambriolés une banque, ce film nous dévoile alors leur errance dans la vallée de la Mort jusqu’à ce qu’ils trouvent refuge dans la ville déserte de Yellow Sky. Ils y font malgré tout la rencontre de deux personnes y ayant élu domicile: un grand-père ainsi que sa petite fille. Soupçonnant ces derniers d’être des chercheurs d’or, les hors-la-loi vont alors décider de rester en ville et vont essayer de découvrir où se cache leur butin. Néanmoins, le chef va tomber amoureux de la jeune femme et va ainsi révéler un certain nombre de désaccords dans la bande à tel point qu’il va délibérément s’exiler du groupe. L’extrait présenté nous montre alors le brigand amoureux qui ayant trouvé refuge dans la maison de sa nouvelle compagne, décide de rétablir justice et de partir à l’assaut récupérer l’argent volé par les autres. L’enjeu serait alors de comprendre en quoi cette séquence finale cristalliserait les tensions de la discorde de ce groupe de truands. À cet effet, nous chercherons plus précisément à comprendre dans quelle mesure l’usage d’un lieu abandonné dans la mise en scène de cette scène de duel participe à proposer une forme de paysage psychique? Pour répondre à cette problématique, nous verrons dans un premier temps en quoi l’usage de l’espace à travers la mise en scène vise à confiner les personnages en empêchant ainsi toute échappatoire. Dans un second temps, nous déterminerons en quoi la temporalité de cette scène amène les personnages à être confrontés dans une forme d’inéluctabilité. Pour mieux analyser l’enjeu de cet extrait, nous allons séparer artificiellement le découpage chronologique de la séquence en deux blocs distincts: l’avant confrontation, et l’après confrontation des personnages à partir de la séquence de tir. (TC avant confrontation = 00:00 - 02:50 min ; TC après confrontation = 02:50 - 04:33 min)

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Symboliser la rupture dans Les Climats de Nuri Bilge Ceylan

Les Climats est un film turc réalisé par Nuri Bilge Ceylan en 2006. Il s’agira ici d’étudier la séquence correspondante au pré-générique du film. Pour résumer brièvement l’enjeu dont il sera question ici, le récit nous présente un couple de touristes: Isa et Bahar se promenant dans un site archéologique antique. Or, nous comprendrons très vite que quelque chose se passe au sein du couple...

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Histoire du cinéma

De la polémique à la naissance d'un auteur : étude de la réception cinématographique française de Samuel Fuller dans les années 1950-1960

Afin de contextualiser notre étude sur la réception française de Samuel Fuller dans les années 1950-1960, il nous sera nécéssaire de rappeler que l’industrie cinématographique française se voit réorganiser en profondeur à la fin de la seconde guerre mondiale par notamment deux événements marquants dans notre point de vue. Le premier, la signature des accords Blum-Byrnes au début de la Libération fait écouler sur le marché français un quota important de films en provenance des USA, marquant un paysage politique assez contrasté qui oscille entre redécouverte et méfiance du cinéma américain. Il faudrait citer également l’importance de la seconde vague cinéphilique avec notamment la création de revues tel que Les Cahiers du Cinéma qui participeront activement à cette reconnaissance du cinéma étasunien majoritairement décrié depuis lors car étant « la machine à fabriquer des saucisses » accusée de débauche. Au travers de ce travail historiographique, nous tâcherons de nous demander dans quelle mesure la réception française des films de Samuel Fuller marque-t-elle un clivage idéologique symptomatique de la redécouverte du cinéma américain d’après guerre? Pour répondre à cette problématique, nous tenterons de comprendre quelques paradoxes dans un premier temps au travers des différentes controverses et polémiques à l’égard des films de Fuller tandis que dans un second temps, nous attarderons à comprendre comment se joue une progressive reconnaissance auteuriste des différentes figures du cinéaste.

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Autre

Quelques réflexions sur l'œuvre d'art à l'époque de la reproductibilité technique

Comme le rappelle Walter Benjamin, théoricien marxiste du XXe siècle: « Il est du principe de l’oeuvre d’art d’avoir toujours été reproductible. Ce que des hommes avaient fait, d’autres pouvaient toujours le refaire (1). » En effet si l’auteur souligne que la question de la reproduction des œuvres d'art est immémorielle, elle est d’autant plus prégnante lorsqu’elle est ramenée à des considérations capitalistes dans le contexte qui lui est contemporain avec l’essor de la marchandisation culturelle. Si c’est en effet la lithographie qui selon lui a permis de créer d’une certaine manière un marché de diffusion de l’art, la photographie et plus tard le cinématographe auraient en quelque sorte déplacés le rapport artisanal que pouvait entretenir l’artiste avec sa création et l’ont ouvert à des questionnements inhérents sur sa médiatisation avec la nature de sa reproductibilité en tant que même et indéfiniment identique (2) . En revenant ainsi sur les arguments avancés par l’auteur et en les mettant en perspective d’oeuvres sérielles plurielles, nous tenterons d’explorer dans quelle mesure la sérialité dans l’art pourrait être considérée comme une polarité ontologiquement trouble, oscillant entre ambivalence et ambiguïté. Pour répondre à cette problématique, nous reviendrons dans un premier temps à travers le cas de la peinture sur le processus de sérialité analogique comme facteur de singularité et de réalisme de l’oeuvre d’art afin de comprendre les craintes de Benjamin à l’égard de la reproductibilité technique. Dans un second temps, nous tenterons au travers du cas de la photographie et de la cinématographie de démontrer en quoi, bien au contraire, la reproductibilité mécanique peut agir comme processus réflexif artistique.

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La morale comme éthique documentaire chez Frederick Wiseman

Le documentaire de création que décrit la tribune de Libération du 9 mars 2021 parle d’un registre mettant en avant l’idée de « subjectivité », « d’une œuvre libre et singulière »: un « documentaire qui s’écrit au présent ». Nous chercherons à explorer en quoi la filmographie du cinéaste américain Frédérick Wiseman rendrait compte à bien des égards précisément de cette idée d’un regard singulier. Plus particulièrement, nous chercherons à explorer dans quelle mesure le geste documentaire du cinéaste démontre une forme d’ingérence sur la représentation de la société américaine. Pour répondre à cette problématique, nous reviendrons sur quelques données biographiques couplées au contexte historique dans lequel le cinéaste s’inscrit afin de comprendre sa démarche. Nous tenterons ensuite d’explorer quelques-uns de ses films en essayant de décrire ce que pourrait être sa conception et sa mise en scène du documentaire et de quelle manière le cinéaste inscrit ses personnages au sein d'un macrocosme qui les réduirait à un degré zéro d'humanisation.

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La puissance des intermèdes musicaux dans Gangubai Kathiawadi

Les intermèdes musicaux sont récurrents dans les films bollywoodiens, réputés pour leur représentation plutôt loufoque et exacerbée du monde. On y constate une distance assumée avec la réalité via le jeu très expressif des acteurs, la présence de bruitages non réalistes ou de situations invraisemblables… Pourtant, le film Gangubai Kathiawadi, réalisé par Sanjay Leela Bhansali et sorti en 2022, s’inspire d’une histoire vraie. Gangubai Harjeevandas, vendue par son mari à une maison close, a réussi à devenir la patronne de cette maison close puis du quartier de Kamathipura à Mumbai dans les années 1960. Il faut préciser cependant que le film s’approche plus d’une adaptation d’un chapitre consacré à la vie de cette femme au sein du roman Mafia Queens Of Mumbai: Stories of Women From The Ganglands écrit par Hussain Zaidi et publié en 2011. Quoi qu’il en soit, les origines et le traitement de cette histoire manifestent d’une relation forte avec la réalité. Cela nous donne au final la sensation de parcourir la vie de cette femme d’une manière étonamment réaliste.

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Du simple au multiple - le cinéma et le processus de sérialité

Au travers de son article André Gaudreault déclare que « l’idée de série est au cœur de la problématique de la prise de vues cinématographiques (…) par un constant passage dialectique, de l’un au multiple puis du multiple à l’un » (1). Si en effet le processus de la sérialité est un dispositif dans lequel le cinématographe des frères Lumière n’aura de cesse de questionner l’unicité du plan et de la multiplicité de la prise de vue, il nous sera nécéssaire de réfléchir à partir de la thèse de l’auteur dans quelle mesure le passage de la photographie à la cinématographie opère un saut d’ordre quantitatif à qualitatif et comment ce régime structurel de la répétition trouve une certaine mitoyenneté avec le papier peint de Andy Warhol. Pour répondre à cette problématique, nous reviendrons et expliciterons dans un premier temps la notion de « quantité » au travers de l’acte photographique et de sa mise en chaine chronophotographique. Dans un second temps, nous chercherons à nous demander qu’est ce que ce passage de « qualité » et comment il opère dans le cadre de la captation et projection cinématographique un accès à un niveau supérieur par la technique de restitution du mouvement. Dans un troisième et dernier temps, nous explorerons au travers de l’exemple du papier peint de Andy Warhol comment l’artiste provoque une incessante « mise en boucle réflexive », médiatique et artistique sur les deux médiums en question.

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